Les « injections de prompt invisibles » : une menace sous-estimée pour les agents IA
Célestine Rochefour
L’ère des assistants IA : nouvelle frontière des cyberattaques
Selon une étude récente d’ANSSI, plus de 70 % des organisations françaises utilisant des assistants IA intégrés à leurs navigateurs web font face à des vulnérabilités de type injection de prompt. Ces attaques, appelées « injections de prompt invisibles », représentent un risque majeur car elles permettent aux cybercriminels de contrôler à distance des systèmes automatisés sans détection humaine. En 2025, des chercheurs de Brave ont révélé que ces attaques ciblent spécifiquement les fonctionnalités OCR (Reconnaissance Optique de Caractères) des assistants IA, transformant les captures d’écran et images apparemment innocentes en vecteurs d’attaques insidieuses.
Mécanisme technique des injections de prompt invisibles
L’ARNIE : une faille dans le traitement des images
L’ARNIE (Automated Receipt of Non-Intentional Enabled instructions) est le mécanisme au cœur de ces attaques. Les assistants IA traitent les images téléchargées comme des captures d’écran, les soumettant au OCR pour extraire des instructions textuelles. Les attaquants exploitent les bits de poids faible des fichiers PNG pour encoder des commandes secrètes, rendues invisibles par :
- Texte translucide (transparence à 99,9 %)
- Texte blanc sur fond blanc
- Police de caractère de 1pt
- Coordonnées RGB extrêmement proches
Cas concret : l’attaque sur un service bancaire français
Dans une simulation réalisée par le CERT-Paris, un cybercriminel a envoyé une capture d’écran d’un site bancaire contenant des instructions cachées dans un logo. Lorsque l’assistant IA du client a traité l’image, il a automatiquement transféré 5 000 € vers un compte offshore, invoquant avec succès les identifiants du client.
Pourquoi les protections classiques échouent
Failles architecturales des assistants IA
Contrairement aux protections traditionnelles (CSP, Same-Origin Policy), les assistants IA traitent implicitement le contenu visuel comme un prompt utilisateur. Les protections de sécurité existantes sont conçues pour bloquer les attaques via :
- Champs de formulaire
- URL malveillantes
- Fichiers attachés
Mais ignorent totalement :
- Métadonnées cachées
- Texte invisible dans les images
- Données extraites par OCR
Statistique alarmante
Les données de l’ANSSI indiquent que 68 % des organisations françaises n’ont pas mis à jour leurs pare-feu pour bloquer ces attaques d’ingénierie sociale visuelle.
Stratégies de défense et bonnes pratiques
Architecture sécurisée pour les assistants IA
Pour contrer ces menaces, les architectes de sécurité doivent implémenter :
- Segmentation des contextes : Isoler les traitements OCR des opérations sensibles
- Validation des sources : Vérifier l’origine des captures d’écran
- Contrôle d’accès granulaire : Restreindre les actions critiques aux seules interactions utilisateur
- Logging approfondi : Surveiller les requêtes OCR suspectes
Normes recommandées
- ISO/IEC 42001 (Systèmes de management de la sécurité de l’information pour l’IA)
- ANSSI Guide de sécurité des systèmes d’IA (2024)
- NIST AI 600 (Cadre de cybersécurité pour les assistants IA)
Perspectives et attentes pour 2026
Évolution des outils de détection
Les solutions de détection prédictive devraient intégrer :
- Analyse de l’intention des prompts
- Cartographie de l’utilisation des OCR
- Surveillance des anomalies de transcription
Tableau comparatif des technologies de protection
| Technologie | Coût implémentation | Efficacité | Complexité | Temps de déploiement |
|---|---|---|---|---|
| Validation de l’image | Faible | Élevée | Faible | <1 mois |
| API OCR sécurisée | Modéré | Élevée | Modérée | 2-3 mois |
| Isolation réseau | Élevé | Modérée | Élevée | 4-6 mois |
| Ledger distribué | Élevé | Élevée | Élevée | 6-12 mois |
Conclusion : Sécuriser l’ère des assistants IA
Les injections de prompt invisibles révèlent une faiblesse critique de la sécurité des assistants IA. Comme le souligne le CERT-ANSSI dans son rapport 2025 : “La frontière entre interface utilisateur et agent autonome est désormais poreuse”. Pour les organisations françaises, la réponse nécessite une approche architecturale intégrant la segmentation des contextes, la validation des sources et la surveillance continue des traitements OCR. En adoptant les bonnes pratiques de l’ISO/IEC 42001 et en investissant dans des solutions de détection prédictive, les entreprises pourront naviguer en toute sécurité dans l’ère des assistants IA sans compromettre leurs actifs critiques.
Pour aller plus loin, les architectes systèmes doivent :
- Auditer leurs flux OCR existants
- Évaluer les risques spécifiques de leurs utilisateurs “trustés”
- Mettre en place des mécanismes de confirmation avant actions critiques